Toute la matière qui nous entoure est faite des mêmes constituants fondamentaux :
deux types de quarks (avec les noms assez originaux de 'up' et 'down', qui se combinent pour former des triplets
dans les protons et les neutrons, à l’intérieur des noyaux atomiques) et les
électrons. Livres, bureaux, animaux,
personnes, air, eau, planètes, étoiles : tout est fait des mêmes constituants.
Si nous prenons également en compte les particules les plus exotiques
et les moins abondantes, qui sont régulièrement produites et observées dans les laboratoires de physique
des hautes énergies, nous arrivons à un total de 6 types de quarks et 6 leptons, qui incluent, à part
les électrons, les muons, les taus et trois types des
neutrinos. C’est ce qu’on appelle le modèle standard
de physique des particules, une théorie qui a été découverte par des physiciens parmi les plus brillants
du 20e siècle et qui fournit une description extrêmement précise de la physique des particules élémentaires,
et de toutes les expériences jamais réalisées sur Terre.
Y a-t-il autre chose dans l'Univers ?
Dans les années 30, l'astronome F. Zwicky a étudié un amas de galaxies lointaines dans la
constellation de la « Chevelure de Bérénice » (certains d'entre vous se souviendront de la légende
de la reine Bérénice II d'Égypte, épouse de Ptolémée III
Évergètes, qui a sacrifié sa longue chevelure
blonde à la déesse Aphrodite). Sur la base de la vitesse des galaxies dans l'amas, Zwicky a conclu que
l'amas de Coma semble contenir beaucoup plus de masse par rapport aux galaxies visibles
Quelques années plus tard, H. Babcock a étudié la dynamique de la galaxie d'Andromède,
connue des astronomes amateurs pour être le seul corps céleste en dehors de notre Galaxie qui peut être vu à l'œil nu
à nos latitudes. Il a remarqué que la galaxie d'Andromède tourne très vite à des grands rayons, et en appliquant
les lois de Newton il s'est rendu compte que la plupart de sa masse semblait se situer dans ses régions périphériques,
loin du gaz et des étoiles de la même galaxie.
Vers la fin des années 70, après des décennies de lente accumulation de preuves, et de nombreux
efforts de générations de scientifiques, il est devenu évident qu'il y avait une composante invisible de l’Univers, qui fut
appelée « matière noire », car elle n'émet pas de lumière, et aussi à cause de sa nature mystérieuse. Cette matière noire
est omniprésente, et il se trouve qu’elle constitue 85% de toute la matière dans l'Univers. Il a fallu de nombreuses années
pour exclure la possibilité que la masse manquante soit constituée d’étoiles naines, planètes ou neutrinos. Les données
actuelles, en effet prouvent que la matière ne peut pas être constituée de particules du Modèle Standard.
Qu'est-ce donc que la matière noire ?
Dans une phrase célèbre Sherlock Holmes dit « Une fois qu'on a éliminé l'impossible, alors ce qui reste,
même le plus improbable, doit être la solution ». Les physiciens des particules ont proposé que la matière
noire pourrait être fait de nouvelles particules, dont l'existence est prédite par des théories qui cherchent
à étendre et a mieux comprendre le modèle standard. Dans un article récent (voir lien ci-dessous), j'ai montré
qu’avec le démarrage du grand collisionneur d’hadrons du CERN, et d’une nouvelle génération d'expériences
d’astroparticules, le moment de vérité est venu pour une grande partie de ces nouvelles théories :
soit nous allons découvrir au cours des cinq à dix prochaines années les particules de matière noire,
soit nous allons exclure un grand nombre de modèles proposés par les théoriciens.
Gianfranco Bertone1,2
1Institut d’Astrophysique de Paris, UMR 7095-CNRS, Université Pierre et
Marie Curie, 98 bis Boulevard Arago 75014, Paris, France
2Institute für Theoretische Physik, Universität Zürich, Winterthurerstrasse 190,
CH-8057 Zürich, Switzerland
"The moment of truth for WIMP Dark Matter" in Nature, 18
November, 2010 et
http://arxiv.org/abs/1011.3532
