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Le joli coup de filet des pêcheurs d’étoiles

Pourquoi près de 90% des galaxies ne sont pas détectées à l’occasion des grands relevés

Depuis longtemps déjà, les astronomes savent qu’un nombre élevé de sources lumineuses n’est pas détecté lors des grands relevés systématiques effectués dans l’univers lointain. Mais aujourd’hui, grâce à un relevé extrêmement minutieux réalisé au moyen de deux des quatre télescopes formant le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO), une équipe internationale de chercheurs a pu déterminer pourquoi une grande fraction de ces galaxies situées à dix milliards d’années-lumière demeure invisible. Cette recherche, qui fait l’objet d’un article dans le dernier numéro de la revue Nature, a aussi permis de dévoiler quelques-unes des galaxies les moins lumineuses jamais détectées à ce stade de l’évolution de l’univers.

Deux chercheurs de l'IAP : Hakim Atek et Daniel Kunth sont membres de cette équipe internationale et sont depuis plus de vingt ans à l'initiative des recherches sur l'émission Lyman alpha des galaxies.

Pour sonder la présence de galaxies formées dans l’univers lointain, les astronomes utilisent très fréquemment la raie spectrale de Lyman alpha émise par les atomes d’hydrogène. Toutefois, rapidement, ils se sont mis à suspecter qu’une fraction importante de ces galaxies passait entre les mailles de leur filet. Cependant, grâce à un relevé dernièrement réalisé avec le VLT, un groupe international de spécialistes vient, pour la première fois, de comprendre les raisons de ce phénomène : une quantité équivalant à environ 95% de l’émission Lyman alpha, émission habituellement choisie pour révéler les objets lointains, est en fait retenue dans les galaxies d’où elle ne peut s’échapper.

« Les astronomes le pressentaient » précise Matthew Hayes, premier auteur de l’article présentant cette recherche dans la revue Nature (et membre de l’équipe de Daniel Schaerer de l’Observatoire de l’Université de Genève), mais c’est la première fois qu’ils ont un moyen de mesurer cet effet et de calculer la fraction qui manque. Le résultat est impressionnant. »

Une caméra surpuissante
Pour estimer la quantité de lumière qui passait jusqu’alors inaperçue, Hayes et ses collègues ont utilisé la caméra FORS et un filtre à bande étroite, spécialement conçu pour mesurer ce rayonnement, en suivant la méthode employée dans les recherches de ce type. Puis, à l’aide de la nouvelle caméra HAWK-I, en service sur une autre unité du VLT, ils ont observé systématiquement une région du ciel bien définie, afin d’y déceler une autre raie spectrale en émission, la raie dite H alpha, provenant elle aussi des atomes d’hydrogène. Ils se sont efforcés de rechercher des galaxies dont la lumière a traversé l’univers durant plus de dix milliards d’années, et ce dans une petite portion du ciel connue sous le nom de GOODS-South.

« C’est la première fois que nous observons les caractéristiques de l’émission de l’atome d’hydrogène dans ces deux longueurs d’onde spécifiques avec autant de précision ; ce point sera déterminant », précise Goran Östlin, un autre membre du groupe. Ce relevé d’une extrême profondeur a rendu possible la détection de quelques-unes des galaxies les moins lumineuses pour cette époque de l’évolution de l’univers. Les astronomes peuvent ainsi conclure que les relevés traditionnels ne donnent à voir qu’une infime partie de la totalité de la lumière produite. Ce sont ainsi 90% des galaxies qui passaient jusqu’à présent entre les mailles de leur filet. « Pour dix galaxies observées, il faut en réalité en compter une centaine », ajoute Matthew Hayes.

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Dans tous les cas, des méthodes d’observation différentes, effectuées dans des fenêtres électromagnétiques différentes, ne mènent qu’à des visions partielles de l’univers. Les résultats de cette étude constituent un avertissement pour les scientifiques, dans la mesure où la raie Lyman alpha apparaît désormais comme un outil de détection toujours plus indispensable lorsqu’on remonte le fil du temps pour étudier la formation des premières galaxies dans l’histoire du cosmos. « Maintenant que nous connaissons la fraction manquante, nous pouvons aboutir à une meilleure représentation de l’univers, afin de comprendre à quelle époque les étoiles sont apparues », ajoutent Miguel Mas-Hesse, et Daniel Kunth co-auteurs de l’article.

Une telle percée dans le champ des connaissances astronomiques doit beaucoup à l’instrument utilisé. Mise en service en 2007, la caméra HAWK-I est en effet hautement perfectionnée. « Il n’y a que quelques caméras en service qui disposent d’un champ de vue plus large que celui d’HAWK-I, mais elles se trouvent sur des télescopes beaucoup plus petits que le VLT. C’est pourquoi le couple VLT/HAWK-I est capable d’une telle efficacité dans la recherche de galaxies aussi peu lumineuses et situées à de si grandes distances », précise Daniel Schaerer, chercheur à l’Observatoire de l’UNIGE.

Références
- L'article est consultable dans la revue NATURE avec le lien : http://www.nature.com/nature/journal/v464/n7288/full/nature08881.html

- Communiqué de presse ESO : http://www.eso.org/public/france/press-rel/pr-2010/ pr-13-10.html

Contacts
Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter Daniel Kunth, au tél. : +33 1 44 32 80 85 ou en lui écrivant à kunth@iap.fr

Image composite montrant une partie de la région du ciel sondée
Image composite montrant une partie de la région du ciel sondée
© 2010 ESO & M. Hayes

25 mars 2010