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L' Observatoire spatial INTEGRAL - Curie : une nouvelle ère s'ouvre pour l'Astronomie Gamma.
 
Voir la vue d'artiste du satellite INTEGRAL en orbite (copyright ESA) en grand format La mission d'astronomie gamma INTEGRAL (International Gamma-Ray Astrophysics Laboratory), dont l'objectif principal est l'exploration approfondie du ciel dans la bande spectrale de 15 keV à 10 MeV, est la toute prochaine grande mission astronomique de l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Le satellite INTEGRAL utilise une plate-forme spatiale du même type que celle de XMM/Newton, le satellite européen d'astronomie X lancé avec succès en décembre 1999. Le satellite INTEGRAL a été lancé le 17 octobre 2002 par une fusée PROTON fournie par l'Agence Spatiale Russe. La mission est conçue pour durer au moins cinq ans. La charge utile de la mission INTEGRAL est constituée de deux instruments principaux, IBIS (Imager on Board the INTEGRAL Satellite) apte à fournir des images à haute résolution angulaire et une information spectrale à moyenne résolution, et SPI (Spectrometer for INTEGRAL) dévolu à la spectroscopie gamma à très haute résolution. La mission INTEGRAL inclut également deux instruments complémentaires : JEM-X (Joint European Monitor) et OMC (Optical Monitor Camera), opérant respectivement dans la bande des rayons X au-delà de 2-3 keV et dans le domaine visible, de 550 à 850 nm. Les photons gamma, les plus énergétiques du spectre électromagnétique, sont émis par du gaz exceptionnellement chaud (de l'ordre du milliard de degrés), par le rayonnement de particules très énergétiques qui entrent en collision ou sont piégées dans un champ magnétique intense, ou encore par des noyaux radioactifs qui se désintègrent. Ils sont donc les indices des phénomènes violents et énergétiques qui se produisent dans l'Univers, ainsi que de la synthèse de nouveaux noyaux d'atomes.


Parmi les objectifs principaux d'INTEGRAL, on trouve donc l'étude :

  • de l'accrétion de la matière par des objets compacts stellaires (étoile à neutrons ou trou noir) ;
  • des noyaux actifs de galaxies, qui sont vraisemblablement des trous noirs supermassifs qui "avalent" la matière environnante ;
  • du centre de notre propre Galaxie, la Voie Lactée, qui comprend sans doute aussi un trou noir supermassif, dont l'activité, est cette fois, étonnamment faible ;
  • des sursauts gamma, phénomènes mystérieux, qui ont lieu dans des galaxies lointaines et libèrent sur une durée très brève une énergie gigantesque ;
  • des supernovae, explosions d'étoiles, qui libèrent elles-aussi une très grande quantité d'énergie et provoquent la synthèse de nouveaux éléments en abondance ;
  • des raies nucléaires d'atomes radioactifs, qui nous renseignent sur les lieux et les modes de formation de nouveaux atomes dans l'Univers.

Plusieurs de ces thèmes scientifiques sont étudiés en détail par des chercheurs de l'Institut d'Astrophysique de Paris.


L'astronomie gamma nucléaire

Les photons gamma traversent le milieu interstellaire galactique sans altération, contrairement à d'autres rayonnements tels le visible ou l'ultra-violet. Ils constituent l'indice le plus direct des mécanismes de synthèse fraîche des noyaux d'atomes dans le cosmos. Comme les noyaux incriminés sont de vie relativement courte par rapport à l'âge de la Galaxie, ils révèlent les phénomènes les plus récents. L'astronomie gamma nucléaire se donne pour but l'étude détaillée de la production des noyaux atomiques par voie thermique (fusion thermonucléaire calme et explosive, dans les étoiles massives, novæ et supernovae) et par voie non-thermique (spallation, fragmentation) dans les milieux interstellaire et circumstellaire. Les raies gamma sont, en fait, le résultat de la désexcitation de niveaux nucléaires préalablement excités, lesquels sont peuplés, soit par la désintégration d'une espèce radioactive parente fraîchement synthétisée dans les étoiles et éjectée par leurs vents et/ou explosions, soit par collision noyau-noyau dans le milieu interstellaire. L'intensité et le profil des raies permettent d'identifier sans ambiguïté les isotopes émetteurs, d'estimer leur abondance et d'accéder à la connaissance des conditions physiques du milieu source (vitesses d'ensemble, potentiel gravitationnel, densité et température, géométrie du champ magnétique, spectre des particules énergétiques). Ainsi INTEGRAL devrait permettre d'accéder à la compréhension fine des événements cosmiques les plus énergétiques.

L'objectif essentiel du spectromètre d'INTEGRAL, SPI -fruit d'une vaste collaboration internationale, sous la maîtrise d'œuvre du Centre National d'Études Spatiales (CNES)- est précisément de détecter et mesurer les raies gamma émanant de sources cosmiques et de répondre ainsi aux nombreuses interrogations scientifiques relatives à l'astrophysique nucléaire. Le plan détecteur de SPI est constitué d'un réseau hexagonal de 19 semi-conducteurs de germanium couvrant une surface utile de 500 cm2. Les détecteurs en germanium sont montés dans un cryostat qui les maintient à une température de 85 kelvins par une combinaison de dispositifs réfrigérants actifs et passifs. Ils confèrent à SPI un pouvoir de résolution E/DeltaE ~ 650, ceci à une énergie de 1,33 MeV, quinze fois meilleur que celui du spectromètre OSSE à bord de l'Observatoire de Rayons Gamma Compton lancé au début des années 1990 par la NASA. L'aptitude du spectromètre SPI à produire des images à grand champ repose sur son masque codé, à base d'éléments de tungstène, monté à 1,7 m du plan de détection. Ce dispositif lui procure un pouvoir séparateur assez modeste (~ 2 degrés), bien meilleur toutefois que celui du spectromètre OSSE, ainsi qu'un champ de vue à mi-sensibilité de 490 degrés carrés. À l'instar de la plupart des nouvelles branches de l'astronomie, celle des rayons gamma doit se pratiquer, pour l'essentiel, à bord de véhicules spatiaux, car, en dépit de leur grand pouvoir de pénétration, les rayons gamma sont totalement absorbés par l'atmosphère terrestre. Les télescopes gamma et les véhicules spatiaux sur lesquels ils sont embarqués sont, de ce fait, exposés aux particules d'origine cosmique, ainsi qu'à celles qui sont piégées dans les ceintures de radiation de la Terre. Le bruit de fond intense qui en résulte est fort difficile à atténuer, même au prix de blindages massifs. Afin de réduire le bruit de fond de SPI, un bouclier adapté enveloppe complètement le dispositif de détection. On peut envisager ainsi une sensibilité de détection des raies gamma des plus fines, accrue de plus d'un ordre de grandeur par rapport à celle du spectromètre OSSE.


Les sursauts gamma

Environ une fois par jour, dans une direction du ciel absolument imprévisible, on détecte un sursaut gamma, c'est à dire une brève mais très énergétique bouffée de photons gamma, dont l'intensité varie au cours du temps de manière souvent très complexe. Les sursauts gamma se divisent en deux groupes, les sursauts courts (moins de 1 s) et les sursauts longs (de 1 à 100 s). La compréhension physique des sursauts gamma est une tâche difficile, qui a connu néanmoins des progrès rapides ces dernières années, grâce à la découverte de contreparties dans d'autres domaines du spectre électromagnétique, en particulier les bandes X, optique et radio. Ces découvertes ont été rendues possibles grâce à une meilleure détermination de la direction d'arrivée des photons gamma et à la diffusion rapide de cette position vers un réseau d'observatoire. Ces résultats ont montré que les sursauts avaient lieu dans des galaxies lointaines et ont confirmé qu'ils étaient émis par des écoulements ultra-relativistes (plasma ayant une vitesse très proche de celle de la lumière). Néanmoins, le satellite Beppo-SAX qui a fourni ces localisations entre 1996 et 2002 n'était sensible qu'aux sursauts longs.

INTEGRAL, en raison de son champ de vue modéré comparé aux autres expériences de détection des sursauts gamma, ne verra qu'environ un à deux sursaut gamma par mois. Mais il sera sensible aux sursauts courts comme aux sursauts longs et sera capable, grâce à l'imageur IBIS, de les localiser avec une précision jamais atteinte dans la bande gamma et de diffuser cette position dans les minutes qui suivront le sursaut. Ceci devrait déboucher sur la découverte de nouvelles contreparties, en particulier pour les sursauts courts. De plus, le spectromètre SPI donnera, pour ces quelques sursauts, un spectre de très grande qualité, qui permettra de mieux comprendre les phénomènes physiques responsables de l'émission et de mesurer avec une bien meilleure précision certains paramètres physiques comme la vitesse de l'écoulement relativiste.

Depuis une quinzaine de milliards d'années, l'Univers est en évolution dans toutes ses régions sous l'influence de processus qui impliquent en particulier les noyaux d'atomes. Ainsi, le moteur essentiel de la complexification de la matière, nécessaire à la vie, est nucléaire. Le satellite européen INTEGRAL-Curie est destiné à ouvrir largement ce champ de connaissance. Une nouvelle ère de l'astronomie gamma porte des promesses de moisson abondante. Les détections de rayons gamma émanant de sources cosmiques, souvent violentes, au moyen du satellite INTEGRAL sont attendues avec un très grand intérêt.

 
 
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