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Le mystère des rayons cosmiques de ultra-haute énergie : une piste prometteuse ?

Les sources des particules les plus énergétiques de l'Univers pourraient être les étoiles les plus petites de l'Univers. C'est ce que suggère une étude de Ke Fang (University of Chicago), co-dirigée par Kumiko Kotera (IAP) et Angela Olinto (University of Chicago), qui sera prochainement publiée dans Astrophysical Journal.

Nous célébrons cette année les cent ans de la découverte des rayons cosmiques. Ces particules chargées (en majorité des protons ou noyaux plus lourds) pleuvent sur la Terre de façon continue et ne cessent de nous intriguer. Le plus grand mystère provient des rayons cosmiques dits de "ultra-haute énergie", qui nous parviennent avec des énergies colossales de l'ordre de centaines de Joules : l'énergie d'une balle de fusil confinée dans une particule subatomique. Le LHC, l'accélérateur de particules le plus puissant sur Terre, ne peut atteindre qu'un dix-millionième de l'énergie de ces rayons cosmiques. Malgré des décennies de recherches expérimentales et théoriques, l'origine des rayons cosmiques de ultra-haute énergie reste inconnue.

Ces particules sont trop énergétiques pour avoir été produites dans la plupart des objets astrophysiques, et des résultats récents de l'Observatoire Pierre Auger semblent indiquer (étrangement) qu'aux plus hautes énergies, les rayons cosmiques deviennent de plus en plus lourds, leur composition se rapprochant du fer.

Ke Fang, Kumiko Kotera et Angela Olinto ont ainsi orienté leurs investigations vers les objets les plus puissants de l'Univers qui pourraient contenir des éléments lourds. Les étoiles à neutrons, en particulier celles fortement magnétisées et tournant rapidement dénommées "pulsars", leur ont paru être des candidates idéales. Les étoiles à neutrons sont les étoiles les plus compactes, composées de matière dense, à la limite de sombrer en un trou noir. À leur naissance, leur vitesse de rotation sur elles-mêmes combinée aux champs magnétiques intenses qu'elles génèrent peut induire des champs électriques importants, pouvant accélérer des particules à des énergies extrêmes.

Cependant, les jeunes pulsars naissent dans des explosions de supernovae, et sont donc entourés d'une enveloppe de matière et de rayonnement très dense. Une question importante dans ce scénario était alors de savoir si les particules accélérées pouvaient traverser cette enveloppe sans être complètement détruites. La réponse des trois chercheurs est positive, et il y a même mieux : le spectre en énergie et la composition des particules échappées peuvent très bien reproduire les caractéristiques observées des rayons cosmiques de ultra-haute énergie.

L'origine tant recherchée des rayons cosmiques de ultra-haute énergie pourrait ainsi être un objet auquel on avait accordé peu d'importance : les pulsars. Il suffirait qu'il en naisse un avec les bonnes caractéristiques dans le Groupe Local pour en être convaincu : après quelques dizaines d'années de délai dû à la propagation, nous assisterions à une pluie sans précédents de rayons cosmiques aux énergies extrêmes.

Il y a cent ans avait lieu ce que l'on pourrait appeler la première expérience physique spatiale : Victor Hess embarquait un électroscope à bord d'un ballon et mesurait qu'un flux de particules extra- terrestres nous bombarde continuellement. Ce flux fut baptisé le rayonnement cosmique. Depuis leur découverte, les rayons cosmiques tour à tour nous intriguent et éclairent nos pas dans la physique et l'astrophysique modernes : ils ont permis l'émergence de la physique des particules et la question de leur origine reste encore aujourd'hui l'un des plus grands mystères de l'astrophysique.

Publications :
- arXiv : http://arxiv.org/abs/1201.5197
- New Scientist : http://www.newscientist.com/article/dn21415-baby-pulsars-spawn-universes-most-energetic-particles.html
- arXiv : http://arxiv.org/abs/1101.4256

Contact :
- Kumiko Kotera (Caltech, IAP)
Institut d'Astrophysique de Paris-CNRS-UPMC
kotera à iap.fr
Tél. : 33-1-4432-8126

Vue d'artiste : les pulsars pourraient produire ces rayons cosmiques à ultra haute énergie
Vue d'artiste : les pulsars pourraient produire ces rayons cosmiques à ultra haute énergie.
Dans cette illustration, des nuages de particules chargées se déplacent le long des lignes
de champ magnétiques du pulsar (en bleu) et créent un faisceau de rayons gamma (en violet)
à la manière d'un phare de marine.
Image : NASA/Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab

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