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Une planète sur une orbite très oblique ?

La trajectoire d'une planète est généralement située dans le même plan que l'équateur de l'étoile autour de laquelle elle est en orbite. C'est le cas pour les planètes du Système solaire comme pour la plupart des planètes extra-solaires. Une planète récemment détectée, nommée XO-3b, pourrait cependant se trouver sur une orbite très oblique, qui la ferait passer quasiment au dessus des pôles de son étoile. Cette grande obliquité a pu être mesurée grâce à des observations effectuées cette année à l'Observatoire de Haute-Provence par une équipe d'astronomes européens. Ce résultat, qui doit être confirmé par de nouvelles observations, pourrait être la signature d'un événement particulier dans la vie de cette planète, comme par exemple une forte interaction gravitationnelle avec un autre astre.

La Terre et les autres planètes du Système solaire tournent autour du Soleil sur des orbites situées toutes à peu près dans un même plan. Ce plan des orbites est le même que le plan équatorial du Soleil, déterminé par la rotation du Soleil. En d'autres termes, l'axe de rotation du Soleil est très voisin des axes de révolutions des planètes qui lui tournent autour ; tous ces axes sont alignés à quelques degrés près. Le Système solaire est ainsi essentiellement plan. On pense qu'il a gardé la forme plate du disque de gaz et de poussières dans lequel il s'est formé il y a près de cinq milliards d'années.

On connaît aujourd'hui environ 300 planètes autour d'étoiles autres que le Soleil. Une cinquantaine de ces planètes extra-solaires a par chance une orbite alignée avec la Terre, de telle sorte que la planète peut passer juste devant son étoile, provoquant à chaque orbite une mini-éclipse visible depuis la Terre, que l'on appelle un transit. Ces planètes à transit permettent de réaliser de nombreuses études, et notamment de mesurer l'obliquité des orbites, c'est-à-dire l'angle entre l'axe de rotation de l'étoile et l'axe de révolution de la planète autour de l'étoile. Cette mesure se fait grâce à l'effet Rossiter-McLaughlin, du nom des deux astronomes qui l'ont prédit dans les années 20.

L'obliquité des orbites d'une dizaine de planètes extra-solaires a ainsi pu être mesurée ces dernières années. Pour chacune d'entre elles, l'orbite de la planète est coplanaire avec l'équateur de l'étoile. Cela confirme que, comme le Système solaire, les autres systèmes planétaires se sont vraisemblablement formés dans des disques proto-planétaires plats.

Cependant, un premier cas d'orbite planétaire potentiellement très oblique vient d'être révélé par une équipe d'astronomes européens. Il s'agit de la planète extra-solaire à transit XO-3b, découverte en 2007. Située à 850 années-lumières dans la constellation de la Girafe, XO-3b est une planète 12 fois plus massive que Jupiter, la plus grosse planète du Système solaire. Très proche de son étoile, elle en fait le tour en à un peu plus de trois jours, et provoque une mini-éclipse de son étoile à chaque orbite. C'est l'un de ces transits qui a pu être observé au début de cette année avec l'instrument SOPHIE, installé sur le télescope de 193 cm de l'Observatoire de Haute-Provence. Cette observation a montré la signature typique d'une orbite quasiment polaire.

SOPHIE est le spectrographe qui remplace depuis deux ans ELODIE, le célèbre instrument qui avait permis en 1995 la découverte de la première planète extra-solaire par des astronomes de l'Observatoire de Genève. SOPHIE permet de mesurer précisemment les vitesses radiales des étoiles. Il est notamment utilisé par une équipe regroupant des chercheurs de l'Institut d'Astrophysique de Paris (CNRS, Université Pierre & Marie Curie) et des observatoires de Marseille-Provence, de Genève et de Grenoble, qui mènent à l'Observatoire de Haute-Provence un programme de recherche et de caractérisation de planètes extra-solaires autour de différents type d'étoiles.

C'est cette équipe qui a mesuré l'obliquité de l'orbite de la planète XO-3b. Ce résultat est publié ce mois-ci dans la revue Astronomy & Astrophysics. Il doit être confirmé, la fin de l'observation ayant été faite dans des conditions peu favorables, alors que l'astre observé était bas sur l'horizon. De nouveaux transits de cette planètes vont ainsi être observés par cette équipe avec SOPHIE, et vraisemblablement par d'autres équipes avec d'autres instruments à travers le monde. Si la grande l'obliquité de l'orbite de XO-3b était confirmée, il s'agirait du premier cas d'orbite planétaire non-alignée sur l'équateur stellaire. Cette configuration surprenante pourrait être la signature d'un événement particulier dans la vie de cette planète depuis sa création dans un disque proto-planétaire. Elle pourrait par exemple avoir subi l'interaction gravitationnelle d'un autre astre (étoile ou planète), qui l'aurait fait sortir du plan du système. De nombreux théoriciens tentent de simuler de tels événements. Cette observation permet de contraindre ces modèles, et ainsi de mieux comprendre ce type de phénomènes.

Note : Ce résultat, annoncé mi-2008 (arXiv:0806.0719), a été confirmé début 2009 par une équipe américaine (arXiv:0902.3461).

 
Liens utiles :


Contacts :

Guillaume Hébrard & François Bouchy, Institut d'Astrophysique de Paris, CNRS, Université Pierre et Marie Curie (Tel : 01 44 32 80 78 / 80 79 ; Fax : 01 44 32 80 01 ; E-mail : hebrard@iap.fr / bouchy@iap.fr).

Figures :


Télescope de 193 cm de l'Observatoire de Haute-Provence

Ce télescope a permis de détecter et de caractériser de nombreuses planètes extrasolaires, avec l'instrument ELODIE, puis à présent avec SOPHIE.


Le spectrographe SOPHIE.

Mis en place à l'été 2006 au foyer du télescope de 193 cm de l'Observatoire de Haute-Provence, le spectrographe SOPHIE a été utilisé pour mesurer l'obliquité de l'orbite de la planète extra-solaire XO-3b.

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Schéma de l'orbite de la planète XO-3b, vue depuis la Terre.

La planète XO-3b pourrait avoir une orbite oblique, qui la fait passer quasiment au dessus des pôles de son étoile.


septembre 2008