CORDES COSMIQUES SUPRACONDUCTRICES.


Un des problèmes de la cosmologie actuelle consiste à comprendre les phénomènes astrophysiques observés. Les sondages de galaxies et d'amas de galaxies nous renseignent quant à la distribution de matière visible dans notre environnement immédiat. D'autres observations suggèrent que l'Univers devrait être rempli d'une matière supplémentaire, invisible, d'un type inconnu (non baryonique). Des éclairs de photons de très hautes énergies apparaissent soudainement dans le ciel à intervalles journaliers sous forme de sursauts gamma, provenant de sources maintenant établies comme cosmologiques. La détection des anisotropies du rayonnement de fond diffus micro-onde cosmologique sur des échelles angulaires très différentes semblent indiquer des propriétés particulières concernant le trajet qu'on parcouru les photons reliques durant leur voyage, quoi que l'origine de ces perturbations primordiales ne soit pas encore très claire. Des objets étranges percutent l'atmosphère de la Terre avec des énergies invraisemblables, produisant des cascades de particules secondaires et de radiation et constituant ce qu'on appelle l'énigme des rayons cosmiques.

Dans ces observations, pour ne citer qu'elles, les explications conventionnelles sont prises à défaut. Les mécanismes usuels ne sont pas toujours suffisant pour expliquer ce que l'Univers nous présente, et dans certains cas ils en sont simplement incapables. De plus, il y a des problèmes fondamentaux que la cosmologie standard ne peut résoudre, qui sont liés ultimement à l'état actuel de notre Univers : par exemple, pourquoi le rayonnement de fond, dont l'existence est un des piliers de cette cosmologie, apparaît-il tellement isotrope dans des directions opposées du ciel, et ce malgré le fait que ces régions n'ont jamais, d'après la théorie standard, été en contact causal ? Un autre problème : comment se fait-il que la densité de notre Univers soit aussi proche de la densité critique ? Un peu plus, et l'expansion s'arreterait rapidement et il entrerait alors dans une phase de recontraction ; un peu moins, et il serait en expansion pour toujours. Et de plus, l'évolution est instable autour de cette valeur critique de la densité ! De sorte à ce qu'elle soit ce qu'elle est maintenant, c'est-à-dire raisonnablement proche de la densité critique, il faudrait qu'elle en ait été incroyablement plus proche encore lorsque l'Univers n'était agé que d'une seconde : une précision relative de 10-15 est requise. Comment a-t-il pu atteindre ce degré de précision ? Voici juste quelques questions qui sont encore à l'heure actuelle en attente de réponse.

Le paradigme inflationnaire, proposé pour la première fois par Alan Guth en 1980, tente de répondre à ces questions. Il est basé sur une expansion rapide, presqu'exponentielle, pendant les tous premiers instants de l'Univers, quelques 10-35-10-32 secondes après le Big-Bang. Cette idée très attrayante, qui résoud de manière élégante un certain nombre des problèmes mentionnés plus haut, n'explique malheureusement pas tout, et en particulier certains paramètres doivent être ajustés très précisément, et de façon peu naturelle, de sorte à ce que les mécanisme de formation des structures qui s'ensuivent fonctionnent convenablement et conduisent à des données compatibles avec ce qu'on observe.

Les défaut topologiques cosmiques représentent un lien entre la physique des particules, la cosmologie, et des phénomènes usuels en physique de la matière condensée. Ils permettent de proposer des explications quant à la physique de l'Univers très primordial en termes d'analogies avec des systèmes étudiés en laboratoire. En fait, si les idées actuelles basées sur des extensions du modèle standard des particules (dont le succès n'est plus à rappeler) sont correctes, alors les défauts en sont une conséquence inévitable et de plus possèdent des propriétés intéressantes au niveau astrophysique qui ont motivées les tentatives de solutions aux problèmes précédents d'une manière économique.

Parmi ces défauts topologiques, les cordes cosmiques sont les plus étudiées. Il convient de noter que nous ne parlons pas ici des cordes fondamentales que certaines théories proposent comme entités de base de la matière pour remplacer les particules. Les cordes cosmiques seraient des lignes très fines de matière primordiale, qui n'existerait plus ailleurs, contenant une énergie invraisemblable et évoluant dans l'Univers à des vitesses proches de celle de la lumière, imprimant une courbure à l'espace lors de leurs déplacement. Du fait de leurs propriétés gravitationnelles un peu spéciales, elle peuvent en particulier accréter la matière les environnant pour former les structures à grande échelle. Elles courbent aussi les trajectoires des rayons lumineux, comme le font les galaxies et quasars. Par ailleurs, elles sont susceptibles de perturber le fond de rayonnement micro-onde aussi bien à l'époque du découplage de la radiation d'avec la matière, quelques dizaines de milliers d'années après le Big-Bang que depuis cette période, sur le trajet de ces photons jusqu'à nous. Leurs mouvements rapides produisent aussi une structure très compliquée de boucles dont la désintégration aurait pu remplir l'Univers d'un fond de rayonnement gravitationnel peut-être détectable dans le futur.

Et comme si cette phénoménologie n'était pas encore suffisante, il s'avère de plus qu'il existe certains modèles bien motivés dans lesquels, à un certain niveau de leur évolution, ces cordes développent des courants gigantesques. Elles deviennent alors comme des énormes câbles supraconducteurs cosmiques qui pourraient nous aider à comprendre les mystères cités plus haut. En particulier, les courants seraient de première importance pour la génération de champs magnétiques primordiaux (un autre mystère !) sur des échelles protogalactiques. De plus, les mouvement des porteurs de charge dans les boucles pourraient permettre à celles-ci, grâce au mouvement centrifuge, de ne pas se désintégrer complètement, laissant de petits anneaux chargés, des vortons. Si ceux-ci étaient stables (un point actuellement soumi à l'étude), on pourrait envisager qu'ils soient encore présents sous forme de matière noire.

Défauts topologiques en cosmologie:

Topological defects in cosmology, D.A.M.T.P., Cambridge University.

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