UN QUASAR SITUÉ DANS UNE GALAXIE TRANSFORME LE GAZ D'UNE AUTRE GALAXIE EN FUSION AVEC LA SIENNE
Une étude pilotée en tandem par Sergei Balashev (Ioffe Institute, Saint-Pétersbourg) et Pasquier Noterdaeme (Institut d'astrophysique de Paris) met en lumière un système de galaxies en fusion à un décalage spectral de 2.7 (soit il y a plus de 11 milliards d'années) et démontre comment le rayonnement intense d'un quasar peut transformer en profondeur la structure du gaz interstellaire dans la galaxie voisine. Quatre autres chercheurs français [J.-K. Krogager (CRAL, Lyon), F. Combes (Obs. de Paris), P. Petitjean et A. Omont (IAP)] font partie de l'équipe internationale qui a mené à bien l'étude de ce système complexe, et qui publie les résultats dans Nature.
Les quasars sont parmi les objets les plus énergétiques de l'Univers, alimentés par l'accrétion de gaz sur un trou noir supermassif au centre de galaxies. De plus en plus d'indices suggèrent que la fusion de galaxies pourrait être à l'origine de la naissance de ces objets, en apportant d'énormes quantités de gaz vers les centres des galaxies. En retour, on s'attend à ce que les quasars interagissent avec leur environnement par l'énergie phénoménale libérée. Cependant, les observations permettant d'étudier directement ces interactions restent rares. En combinant des observations optiques (de l'UV jusqu'au proche infra-rouge) et millimétriques, obtenues avec les télescopes VLT et ALMA, les chercheurs ont mis en évidence une galaxie en interaction avec une autre abritant un quasar. La distance entre les centres des galaxies n'est que de quelques kpc tandis qu'elles se rapprochent l'une vers l'autre à une vitesse de plus de 500 km/s.
Figure 1 : Le quasar J0125 apparait comme une source ponctuelle en optique (fond: DESI, premier zoom: Subaru HSC). L'imagerie à haute résolution angulaire avec ALMA montre qu'il s'agit en fait de deux galaxies en train de fusionner, l'une d'elle (à droite) contenant le quasar. La spectroscopie en absorption avec le Very Large Telescope permet d'étudier les caractéristiques (ici, les contraintes dans le plan densité/distance par rapport au quasar) du gaz traversé par la lumière du quasar.
Crédit : Pasquier Noterdaeme (IAP).
Le quasar se trouvant derrière la galaxie compagnonne, les chercheurs ont pu analyser l'absorption produite par cette dernière dans le spectre du quasar. Ceci révèle des nuages de gaz très denses (𝑛 ≈ 10⁵ - 10⁶ cm⁻³) et compacts (<0.02 pc), bien plus petits que ceux typiquement observés en absorption dans des galaxies éloignées du quasar d'arrière-plan. De plus, la forte excitation du gaz indique qu'il est soumis à un champ UV extrêmement intense, environ mille fois plus puissant que celui de la Voie Lactée. Ces conditions impliquent que le rayonnement du quasar dissocie la majorité du gaz moléculaire diffus présent, ne laissant subsister que des régions suffisamment denses pour résister à cette radiation, mais trop petites que pour former ensuite des étoiles.
Cette découverte apporte un éclairage nouveau sur le rôle des fusions de galaxies dans l'activité des quasars dans l'Univers lointain et met en évidence un processus de rétroaction localisé qui transforme la structure interne du gaz interstellaire à des échelles jusqu'alors inaccessibles, 100 000 fois plus petites que ce qui est atteignable en émission ! Ces travaux illustrent comment les quasars peuvent, à travers leur intense rayonnement, empêcher la formation d'étoiles dans leur environnement immédiat en restructurant la matière interstellaire.
Liens
L'article scientifique (en anglais) publié aujourd'hui dans la revue Nature par Balashev et al. (2025), « Quasar radiation transforms the gas in a merging companion galaxy »
Le communiqué de presse (en anglais) de l'Observatoire européen austral (ESO)
Rédaction et contact
- Pasquier Noterdaeme
Institut d’astrophysique de Paris, CNRS, Sorbonne Université
pasquier [point] noterdaeme [à] iap [point] fr
Mise en page : Jean Mouette
Mai 2025